Voici une sélection de petits textes, fruits de mes recherches et de mes réflexions. Peut-être pourront-ils inspirer ceux qui cherchent à comprendre et qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre...
Petite histoire de la Creation
En plaçant sous silence les mystères entourant la création et les origines de l’humanité, les responsables de la compilation du canon biblique nous ont coupés de nos racines et ont effacé le thème de la Déesse-Mère. Depuis, l’être humain se croit le point central de toute évolution, le seul être vivant à peupler l’univers, méconnaissant tout de la notion de cycle, d’évolution, de chute et de recommencement. Il n’arrive pas à concevoir que des êtres plus évolués ont probablement existé – ou existent peut-être toujours en parallèle, sur Terre, sur d’autres planètes ou dans d’autres univers. L’Homme a ainsi transformé son histoire en mythe, la réalité a voyagé à travers les portes du temps pour nous parvenir sous forme de légende.
Un brillant chercheur, Anton Parks, a décidé de relever un fabuleux défi, celui de mettre en lumière certains sujets non révélés au grand public. Cet expert en codex, tablettes d’argile, papyrus et textes anciens a eu la patience infinie et la remarquable audace de se lancer dans l’exercice périlleux de reconstituer le grand puzzle d’une très probable facette de l’histoire de la Création. Il a réussi à démontrer sur la base de ses recherches personnelles, littérature antique à l’appui, qu’une habile tromperie tend effectivement à nous éloigner de nous-mêmes et que les compilations et réécritures des textes bibliques sont responsables d’un étrange renversement des rôles : à un moment donné le « bon » est devenu le « méchant », et inversement. Pourquoi cela ?
Faisant partie des rares experts en sémantique historique capable de déchiffrer, entre autres, les tablettes cunéiformes de Sumer et les textes sacrés issus du Proche-Orient ancien, il a étudié, entre autres, les mythologies mésopotamiennes, égyptiennes, judaïques afin de mettre en évidence, de manière irréfutable, le fait que ces mythes ou légendes racontent une seule et même histoire. La nôtre !
Anton Parks lève le voile et nous offre une version unique de l’histoire de la Création, une fabuleuse recomposition d’éléments oubliés, censurés ou maladroitement interprétés. Il a compilé un récit à partir des versions bibliques, rabbiniques, intertestamentaires, gnostiques et apocryphes de la Genèse. Son adaptation est simple, limpide, accessible à tous et nous révèle bien des surprises.
Pour rédiger « la petite histoire de la Genèse » qui suit, je me suis librement inspirée de son essai, « Le Chaos des Origines », paru aux éditions Pahana Books en 2016. Toute ma reconnaissance va donc à Anton Parks. Je salue son œuvre inspirée et inspirante et le remercie pour son courage et sa persévérance. Grâce à son travail, l’humanité a aujourd’hui la possibilité de redécouvrir une partie de son passé.
Petite histoire de la Genèse [1]
Tout au début, avant l’apparition du temps, avant l’existence de toute chose, le Sans-Nom, Créateur incréé et androgyne, reposait au cœur de sa gloire dans une tranquillité absolue, flottant entre deux eaux du vaste chaos liquide de l’Océan Primordial. L’Innommable coexistait avec sa compagne, la Pensée, appelée encore Silence, ou Grâce. Un jour, cependant, il eut l’idée d’émettre à partir de lui-même un Principe de toute chose qu’il déposa soigneusement, comme une semence, dans le sein de sa compagne Silence. Arrivée au terme de sa gestation, elle enfanta une multitude d’Éons, des êtres parfaits, des divinités immortelles capables de s’auto-engendrer. Ceux-ci dédiaient leur existence à l’expérimentation de Dieu.
Parmi ces Éons se trouvait une émanation de la sagesse divine, le Souffle de Sofia. Cet être suprême décida d’engendrer des êtres à son image, parfaits et uniques, dans le seul but de rendre gloire au Divin. Mais, tandis qu’elle s’appliquait à se reproduire, elle fut éblouie et cligna des yeux. Sofia détacha son regard de la Lumière divine, tourna la tête l’espace d’un instant et, dans une brève hésitation, jeta malencontreusement un regard dans les profondeurs de l’Abîme, l’étendue vide et sans limite du Sans-Nom. De cette seconde d’inattention naquit la division, puis la séparation, l’oubli et l’ignorance de soi-même et de Ce qui Est. C’est ainsi que, par inadvertance, elle introduisit le mal dans le Monde en engendrant des imitations, des êtres à l’état d’ombre. Suite à la déficience de Sofia, une matrice obscure se forma dans l’espace et se revêtit progressivement du voile de l’oubli.
Adamas, le premier homme ainsi créé dans ce monde de l’oubli, apparut bientôt entouré de ses troupes de rebelles insoumis, tous habités par une gloire vaniteuse. Ils étaient coupés de leurs nobles origines et ne se souvenaient de rien. Convaincus d’être les seuls êtres vivants au monde, ils oublièrent jusqu’à l’existence de Dieu. Ils n’étaient qu’une imitation d’êtres divins et parfaits, mais se croyaient sublimes et tout puissants. Le désir de dominer grandit en eux. Ils créèrent une horde de combattants, de guerriers féroces et impitoyables, de fauteurs de troubles, avides de pouvoir. Ils générèrent l’Ombre qui engendra le Chaos sans fin. Un voile se créa, séparant ce qui était En-Haut, le monde des immortels qui avaient conservé le souvenir, de ce qui était En-Bas, le monde des ignorants et de l’oubli, ceux de l’imitation. L’Ombre exista en dessous du voile et devint matière, un monde vide et desséché dépourvu du Souffle de l’Esprit.
Alors une guerre terrible éclata entre ceux qui étaient du souvenir et ceux de l’oubli ; entre les Élohim[2] et les archontes[3], entre ceux qui séjournaient dans le Plérôme – plénitude du monde céleste – et ceux qui étaient tombés dans un monde de matière dépourvu du Souffle de l’Esprit.
Face à ce climat hostile, les Éons décidèrent d’intervenir. Ils insufflèrent la Lumière du commencement dans un Homme immortel et androgyne, le Premier Manifesté, le premier Éon terrestre. Ils espérèrent que les humanoïdes trouveraient en lui un exemple à suivre et qu’ils pourraient ainsi atteindre le salut et s’éveiller de l’oubli. Cet Être de Lumière possédait à lui seul tout le savoir des puissances ainsi que le pouvoir et les royautés de l’En-Haut, car, d’un commun accord, les Éons s’étaient unis et avaient manifesté toutes les Grandeurs en lui. On lui donna pour compagne, miroir de son âme, une fille de la sagesse divine, porteuse du Souffle de Sofia. Ce premier Homme prit forme dans un corps éthérique, il fut le premier Adam, l’Être Humain Originel et Parfait, le Christ, une émanation du Logos, un gigantesque Être de Lumière, aussi grand que la Terre, éclatant de splendeur, prodigieux et éblouissant.
Le dernier Éon de Lumière créé, le plus jeune en âge, était une femme issue d’une femme, porteuse du Souffle de Sofia et donc de l’image du Christ. Elle possédait le don de la vision dans l’espace lointain et la capacité d’auto-engendrer des créatures au service de Dieu. Elle eut, elle aussi, l’idée de chercher à pénétrer l’inconcevabilité divine afin de rendre gloire au Mère-Père, le Sans-Nom, qui se trouve En-Haut. Son intention était bonne, mais malheureusement bien en-dessus de ses capacités, car elle projetait de créer quelque chose de parfait à elle seule, sans passer par l’union avec un conjoint sacré. Elle se détacha candidement du groupe des immortels dans l’illimité et prit forme sous le nom de Pistis. Ainsi nouvellement constituée, elle obtint la conscience, mais à sa grande surprise, elle fut subitement vidée du Logos, c’est-à-dire séparée de l’Essence christique, de son fils, frère et fiancé[4]. Pistis sombra tristement dans l’ignorance. Heureusement, le Christ vint à sa rescousse dans l’invisible. Il lui fit don de la Connaissance de Sofia et lui mit un baume d’essence de Sofia sur ses yeux pour qu’elle ne perde pas de vue ceux de sa race et qu’elle se souvienne de l’endroit d’où elle venait.
Pistis reçut la grâce de ces puissances, mais son conjoint, le Christ, ne l’avait pas rejointe, il était resté dans le monde d’En-Haut. Elle se retrouvait seule et abandonnée. Séparée de son amant, frère et fils, elle le chercha désespérément, mais ne rencontra que le vide. Elle prolongea son regard aussi loin qu’elle le pût, jusque dans les régions inférieures. Ne le trouvant toujours pas, elle quitta la plénitude des Éons illimités, le Plérôme, et s’élança résolument dans l’immensité, mais sans consentement divin, sans réaliser qu’après avoir sombré dans la solitude de la séparation, son geste la précipiterait cette fois dans l’oubli. Pistis assumait courageusement la douloureuse responsabilité de sa décision : chercher et trouver toute seule la Lumière divine.
Elle plongea donc dans les eaux célestes et y enfanta un Christ selon le souvenir qu’elle avait gardé des réalités supérieures. À peine né, ce nouveau Christ s’extirpa de cette obscurité et remonta directement dans le Plérôme des Éons de Lumière. À nouveau seule au cœur de l’Ombre et coupée du Souffle de l’Esprit saint, Pistis erra dans la substance aqueuse insondable et dans les ténèbres illimitées. Elle prit vraiment conscience de son erreur lorsque l’éclat de sa Lumière se mit à décliner progressivement. Enchaînée à ce corps de matière, elle se repentit et tenta de s’échapper des eaux pour remonter vers le Souffle de Sofia, sa Mère Originelle, mais elle ne le put à cause de la pesanteur du corps qui l’enveloppait. Se sentant de plus en plus mal, elle comprit qu’il fallait protéger la Lumière des mondes supérieurs de l’effet néfaste des éléments inférieurs pour éviter qu’Elle n’ait à subir les mêmes tourments qu’elle. Alors, dans un formidable élan, Pistis bondit et s’éleva dans les hauteurs, se déploya et, de son corps aqueux, forma une Voûte céleste protectrice.
Toujours abandonnée, seule avec l’Ombre, Pistis enfanta un deuxième fils. Cette fois-ci, elle donna vie à une œuvre imparfaite et dépourvue d’esprit, un serpent à face de lion aux yeux flamboyants et étincelants. Lui aussi, à peine né, s’enfuit et s’en alla errer dans le Chaos. Pistis se lança immédiatement à sa poursuite, mais lorsqu’il s’enfonça encore plus dans la matière, elle dut se résoudre à l’abandonner. Elle le nomma Yaldabaôth, le Grand Archonte, celui qui avait hérité de la considérable puissance de sa mère, mais qui restait complètement amnésique. Il ne savait pas qui il était, d’où il venait, ni pourquoi il se trouvait là.
Yaldabaôth avait pris conscience de sa grandeur, mais son regard s’arrêtait à sa propre personne. Il pensait être tout puissant et le plus grand de ce monde. De sa Mère il ne percevait qu’un pâle reflet. Comme elle, il se sentait l’âme d’un créateur. Sans permission, à partir de ce reflet trompeur et avec sa perception limitée, il créa.
Il créa un nouveau ciel et une nouvelle terre. Pour chacun de ses fils, il créa des cieux remarquables en guise de demeure, des trônes, des temples, des chars célestes. Très vite, il fut entouré d’une puissante armée de seigneurs, de dieux, d’anges et d’archanges – les archontes – ; ils avaient tous été créés pour le servir.
Tout ce que le grand archonte produisait était inspiré d’une vague image brouillée. À partir du reflet d’un reflet il engendra des fils, des petits-fils, des vertus, des puissances et des dominations. Des souffles de nature démoniaque, issus de l’Eau, du Feu, de l’Obscur et de la Lumière, s’unirent sur la voie de la perdition. En voyant l’impiété de Yaldabaôth, Pistis pleura amèrement et pria pour la semence de son fils engendreur de démons.
Lorsque la création fut terminée, Yaldabaôth se flatta et se fit glorifier par toute l’armée des archontes. Tous les dieux et leurs archontes le vénérèrent et lui rendirent gloire, et lui se vantait en répétant sans cesse : « Je n’ai besoin de personne. Je suis Dieu, je suis le plus grand, le créateur tout puissant des cieux et de la terre ! » Alors Pistis se fâcha et, dans l’invisible, elle dit à son fils :
« Tu te trompes, dieu aveugle et stupide ! Un Homme Immortel, un Homme de Lumière existait déjà bien avant toi et, tôt ou tard, il se manifestera parmi tes modelages. Il te piétinera comme on foule l’argile du potier et tu chuteras avec les tiens jusque dans l’abîme. Alors tes œuvres seront supprimées et tout deviendra comme si rien n’avait jamais existé. »
Ayant dit cela, Pistis dévoila le reflet de sa véritable grandeur dans les eaux, puis elle s’éleva vers sa Lumière.
Lorsque Sabaôth, un des fils de Yaldabaôth, entendit la voix de Pistis, il la loua, condamna son père sans hésitation, et se rangea aux côtés de la Déesse, sa grand-mère. En signe de reconnaissance, Pistis tendit son doigt et répandit sur Sabaôth une lumière issue de sa Lumière. Depuis ce jour Sabaôth fut appelé le Seigneur des Forces, car il avait reçu un grand pouvoir sur toutes les puissances du Chaos. Ivres de jalousie et dans leur trouble, celles-ci lui livrèrent une guerre sans merci. Voyant ce combat, Pistis envoya à son petit-fils des archanges qui le sauvèrent et l’emportèrent au septième ciel. Elle l’établit comme roi au-dessus de tous, afin qu’il soit supérieur aux dieux du Chaos. Ensuite, Pistis se divisa et engendra une fille, Zoé – de la lignée des Sofia – qu’elle délégua auprès de Sabaôth, afin qu’elle lui enseignât tout ce qu’il devait savoir pour préserver sa royauté.
Le grand géniteur du Chaos, Yaldabaôth, voyant que son fils était préféré à toutes les autorités du Chaos, devint jaloux. Il se mit en colère et engendra la Mort.
La passion de Pistis était sa quête du Grand Invisible. Dans son audace elle voulait comprendre la grandeur de la lumière du « Trésor de lumière » et se rapprocher de lui. Du fait même qu’elle s’attaquait à l’impossible, elle se sentait en situation d’échec, abandonnée, seule et exclue. Elle éprouva de la tristesse pour n’avoir pas réussi à saisir la Lumière, de la crainte à la perspective de voir la Vie lui échapper de la même manière que la Lumière, et de l’angoisse, car elle baignait dans la solitude et l’oubli.
Yaldabaôth se mit en colère contre sa mère. Il la haït pour s’être tournée vers cette insolente Lumière, inaccessible et irritante parce que lui, il ne la percevait pas. Le grand arrogant poursuivit sa mère et la força à regarder vers le bas afin qu’elle fût éblouie par sa toute puissante face de lion. Dupée par son obsession de retrouver les Mondes divins et croyant sincèrement se rapprocher un peu de la Lumière qu’elle cherchait depuis le commencement, Pistis se dit bravement : « Je me rendrai toute seule en ce lieu, afin de récolter un peu de lumière, elle me donnera les moyens de m’élever vers la lumière des Lumières, celle des hauteurs des Hauteurs, et je serai libérée. » Sur ce, elle sortit de sa région et plongea naïvement dans les mondes inférieurs. Les archontes la poursuivirent et la poussèrent jusque dans le Chaos. D’obscures émanations matérielles l’attendaient et l’encerclèrent aussitôt. Alors, sans vergogne, le grand archonte à face de lion avala toutes les Puissances de Lumière qui se trouvaient en Pistis, sa mère.
Voyant qu’elle faiblissait et qu’elle se vidait de toutes ses vertus, Pistis se tourna vers les Hauteurs et appela à l’aide avec repentance. Elle se sentait coupable d’avoir trop voulu trouver la lumière des Lumière toute seule. L’Esprit invisible entendit ses plaintes et intercéda en sa faveur. Dans l’invisible, son conjoint, le Christ, vint à nouveau à son secours pour la sortir de cette mauvaise passe. Alors une voix sortit des Cieux et déclama avec force ce que Pistis avait déjà dit à son fils :
« L’Homme existe, ainsi que le fils de l’Homme. »
Yaldabaôth l’entendit et comprit avec appréhension que sa mère avait dit vrai. Il existait vraiment un Homme Immortel, un Homme de Lumière, avant lui ? Il en fut grandement troublé, car il avait déclaré à tous les dieux et à leurs anges que Dieu, c’était lui, et qu’il n’y en avait aucun autre ! Yaldabaôth redoutait qu’ils comprennent la vérité et se retournent furieusement contre lui. Alors, il commanda d’un ton ironique :
« Si quelqu’un existe avant moi, qu’il se manifeste afin que nous puissions apprécier sa merveilleuse Lumière ! »
À cet instant, une lumière sortit des Cieux et traversa tous les cieux de la Terre. Une forme humaine se manifesta progressivement à l’intérieur de la Lumière éblouissante et devint visible à toutes les puissances qui furent grandement troublées par cette apparition.
Dès lors, cet ange fut appelé Ange de Lumière. Le sens en était « L’Homme-au-sang-lumineux », et la Terre qui s’étendait sous ses pieds se nomma « Adamah Sainte » ou « Terre-sainte-adamantine ». La vie fut introduite sur Terre. Des plantes germèrent spontanément, le sol se peupla de reptiles, les airs se remplirent d’oiseaux et les eaux de poissons, tous possédaient la semence de Lumière. Pistis reçut du Souffle de Sofia, sa Mère Originelle, le pouvoir de créer de grands luminaires et des étoiles. Elle les plaça dans le Ciel pour qu’ils éclairent la Terre et qu’ils marquent les repères temporels, les années, les mois, les jours et les nuits.
À la vue de l’Adam de Lumière, les archontes tremblèrent, car toute la partie inférieure du monde fut soudainement illuminée par la manifestation de son image. Ils se moquèrent du grand archonte qui se prenait pour le seul et unique dieu, le tout puissant, et le narguèrent avec cynisme :
« Ne serait-ce pas là le dieu qui a le pouvoir de détruire notre ouvrage ? »
Mais le grand archonte ne s’ébranla pas. Il répondit avec ruse :
« Peut-être, mais si nous ne voulons pas qu’il s’en prenne à nous, créons un homme à partir du sol. Un homme qui serait à l’image de notre corps et à la ressemblance de l’Être de Lumière, de telle sorte que lorsqu’il le verra, l’Adam de Lumière s’éprendra de cette créature et détournera son regard de nous. Ensuite, nous ferons nos serviteurs de ceux qui seront engendrés de la Lumière, pour toute la durée de cette ère. »
Sofia-Zoé, qui avait pris connaissance de leur projet, s’amusa de leur naïveté. Elle les devança et, afin de les contrer, créa son propre humanoïde. Elle laissa tomber une goutte de Lumière qui s’écoula sur l’eau. Un être androgyne apparut, contenant l’aspect de la Mère Suprême, le Souffle de Sofia : il s’agissait d’Ève de la Vie (ou l’Instructrice de la Vie). Son futur fils, le serpent Samaël, sera le Grand Instructeur, plus sage que tous, celui que les archontes nommeront plus tard « le Diable ». Sofia-Zoé baptisa l’Ève de Vie du nom de Noréa. Elle faisait partie de la lignée des Sofia.
Yaldabaôth et ses archontes créèrent donc leur ouvrier, un homme terrestre, avec la poussière du sol. Ils le coupèrent des Mondes célestes pour l’affaiblir. Ils le façonnèrent avec le corps d’un animal en le rendant entièrement terrestre et dépourvu de la spiritualité qui caractérisait l’Adam de Lumière, le Christ. L’homme se nourrirait et vivrait comme une bête.
Lorsque la création d’Adam-2 fut terminée, Yaldabaôth observa l’être qu’il venait de façonner avec un certain mépris, car il avait pris la forme d’un avorton, misérable et dépourvu d’esprit. Toutefois, la créature le tourmentait passablement, car il se souvenait des paroles de Pistis. Il craignait que l’Homme Primordial, l’Adam-1, ne finisse par entrer dans cette créature et qu’il la domine à ses dépens. C’est pour cela que, dans le doute, il abandonna Adam-2 à terre pendant quarante jours, le laissant là, gisant comme un cadavre dépourvu d’âme. Au quarante-et-unième jour, prise de pitié, Sofia-Zoé s’approcha d’Adam-2 et souffla délicatement sur son visage. Il commença à bouger, mais ne parvint pas à se lever.
Lorsque les sept archontes débarquèrent et aperçurent Adam-2 qui se tortillait sur le sol, ils furent pris d’une grande inquiétude. Yaldabaôth le saisit brutalement par les épaules et lança au Souffle qui se trouvait en lui :
« Qui es-tu ? D’où viens-tu ? Comment es-tu arrivé jusqu’ici ? »
« Je suis venu par la puissance de l’Homme de Lumière pour détruire ton ouvrage », lui répondit une faible voix.
Lorsqu’ils entendirent cela, les archontes éclatèrent de rire parce que ce pauvre avorton d’Adam-2 n’avait vraiment rien d’impressionnant. Et lorsqu’ils constatèrent qu’il ne pouvait même pas se lever, ils se réjouirent et appelèrent ce jour « repos », car ils étaient délivrés de leur angoisse.
Sofia-Zoé envoya alors sa fille, Ève de la Vie, afin qu’elle accomplisse son rôle d’Instructrice et qu’elle aide la pauvre créature dépourvue d’âme, l’Adam-2, à se lever. Une fois auprès de lui, Ève de la Vie lui dit :
« Adam, redresse-toi et vis ! »
Sa parole agit immédiatement. Adam-3 ouvrit les yeux et se leva. Contemplant Ève de la Vie avec émerveillement il lui dit :
« On t’appellera “Mère des vivants”, car tu es celle qui m’a donné la vie. »
Alors, elle s’approcha de lui et lui dit :
« Je suis une représentante de Sofia, une conjointe immaculée, je suis une émissaire de la Mère de la Voix, parlant de multiples manières et parachevant le Tout. C’est en moi que réside la Connaissance des choses immortelles. Je suis une envoyée de notre Mère l’Éternelle, la Matrice qui donne forme au Tout, engendrant la Lumière qui resplendit dans la Gloire. Je suis celle qui est descendue dans le Monde des mortels pour le compte de l’Esprit de Sofia, notre Mère Suprême.»
Puis elle initia Adam-3 au Secret de l’En-Haut. Il devint ainsi un modelage et une créature mixte et androgyne, dépositaire de la Gauche et de la Droite. L’âme d’Adam-3 était issue du Souffle, l’Esprit était sa conjointe. Ce qui lui fut donné, ce fut l’esprit de la Mère Suprême, la sagesse de Dieu, le Souffle de Sofia.
Lorsque les archontes aperçurent Adam-3, qui était devenu visible grâce à l’ombre de la Lumière qui se trouvait en lui, ils s’approchèrent de lui avec méfiance. En l’observant de plus près, ils virent que sa pensée était noble et prestigieuse, supérieure à celle de tous ses créateurs. Ils s’emparèrent alors de lui et le placèrent dans leur paradis, le Jardin d’Éden, pour qu’il y travaille comme esclave et pour qu’ils puissent le surveiller de près. D’ailleurs, ils prenaient tous ceux qui étaient libres et se les attachaient comme esclaves. Mais quand ils aperçurent une forme féminine sur le côté d’Adam-3, ils se dirent l’un à l’autre :
« Qui est cette Femme de Lumière ? Elle ressemble étrangement à cette forme qui est apparue dans l’Homme de Lumière. Venez ! Emparons-nous d’Elle et fertilisons-la avec notre semence de sorte qu’Elle soit souillée et ne puisse plus remonter dans la Lumière, et tous ceux qu’Elle engendrera nous seront assujettis à jamais. Endormons Adam-3 et, dans son sommeil, retirons-la de son côté, puis instruisons-le qu’Elle est issue de lui. Ainsi, à son réveil, il croira que la Femme lui est soumise et qu’il a toute autorité sur Elle. »
Or, avec le sommeil, c’est l’ignorance qu’ils firent s’abattre sur l’Homme. Ce que les archontes imposèrent à l’homme androgyne en lui retirant son Essence féminine, le Souffle de Sofia, c’est la séparation primordiale, le lien de l’oubli. Et c’est ainsi que l’Homme devint mortel.
Les archontes scindèrent les deux côtés d’Adam-3 qui se trouvaient dos à dos et créèrent pour chaque moitié un dos inerte. L’homme et la femme existèrent pour la première fois séparés l’un de l’autre, égal à égal. La première femme d’Adam, Lilith, incarnait la Lumière des Sofia, le Féminin supérieur, elle était la Compagne divine, le Souffle de Vie, puissante et redoutable comme une diablesse, peu encline à la soumission.
Adam-4 et Lilith ne firent pas bon ménage, car Lilith refusait d’accepter la supériorité du mâle qu’Adam-4 revendiquait. Elle réclamait haut et fort le statut d’égalité qui lui revenait de droit et finit par s’enfuir, maudissant la déloyauté de son compagnon et la perfidie des archontes qui l’irritaient plus qu’ils ne l’impressionnaient.
Mais Ève de Lumière était toujours là. Elle s’était dissimulée à l’intérieur d’Adam-4 et y resta bien cachée. Elle se riait de l’Obscurité qui la poursuivait et qui se montrait incapable de la capturer. Le grand archonte finit par apercevoir sa présence et voulut poursuivre son œuvre maléfique. Il s’employa alors à extraire d’Adam-4 une partie de sa puissance. Il créa un modelage de matière, en forme de femme qui ressemblait à s’y méprendre à l’Ève de Vie. Il y plaça la partie qu’il avait soustraite à la puissance d’Adam. Ève fit son apparition.
Ève de la Vie, puissante comme elle l’était, se moqua du projet du grand géniteur. Elle s’éloigna d’Adam-5, entra dans un arbre et y demeura. Elle était devenue l’Arbre de la Connaissance.
Les autres archontes s’approchèrent d’Adam-5 et, voyant la femme de chair à ses côtés, s’unirent à elle, convaincus qu’il s’agissait d’Ève de la Vie, sans savoir qu’ils n’avaient souillé que le sosie de l’Ève de Sofia. Croyant avoir gagné, les archontes se réjouirent de voir Adam et sa compagne errer dans l’ignorance, comme de simples bêtes.
Ainsi le premier Adam fut spirituel, l’Être Humain Originel, un être de pure Lumière.
Le deuxième Adam fut un prototype, un avorton dépourvu d’Esprit et de Souffle de vie.
Le troisième Adam fut complet et hermaphrodite. Ève de la Vie lui avait insufflé la Connaissance, le Souffle de Sofia.
Le quatrième Adam, le compagnon de Lilith, fut psychique ; il possédait un Esprit, mais était dépourvu d’âme.
Le cinquième Adam, le compagnon d’Ève, fut terrestre, l’homme-de-la-loi plongé dans l’oubli et l’ignorance, celui qui apparut après le jour de repos qu’on appelle « jour du soleil ».
Le grand archonte comprit assez rapidement que, malgré tous ses efforts, l’Homme de Lumière représentait toujours une menace et qu’il ferait mieux de se méfier de la femme qui s’était faite arbre. Troublé, il s’approcha d’Adam et Ève et leur dit :
« Tous les arbres qui sont dans le Paradis ont été créés pour vous. Sentez-vous libres de manger leurs fruits. Mais l’Arbre de la Connaissance, toutefois, gardez-vous bien d’en manger, car si vous en mangez, vous mourrez. »
Après leur avoir causé une grande frayeur, il se retira avec ses archontes.
Alors le Souffle de Sofia s’infiltra dans le Serpent, l’Instructeur, afin d’éclairer Adam et Ève et de les sortir de leur profond aveuglement, car ils étaient tous les deux dans un état de déchéance avancée. Le sage d’entre tous, le Serpent, instruisit la femelle charnelle, Ève, en disant :
« Que vous a-t-il dit ? De tous les arbres qui sont dans le Paradis, tu mangeras. Mais de l’Arbre de la Connaissance du Mal et du Bien, tu n’en mangeras pas ? C’est cela ? »
Ève lui répondit :
« Non seulement il a dit : “N’en mange pas”, mais aussi “N’y touche pas, car le jour où vous en mangerez, vous mourrez.” »
Ce à quoi le Serpent Instructeur répondit :
« Ne craignez rien, vous ne mourrez pas ! Je vous le promets ! Le grand géniteur sait en effet que si vous en mangez, votre intellect se dégrisera et vous deviendrez comme des dieux, connaissant la différence entre les Hommes mauvais et les bons. En effet, il vous a dit cela parce qu’il est jaloux et parce qu’il voulait être certain que vous n’en mangerez pas. »
Ève eut confiance dans les paroles de l’Instructeur. Elle regarda l’arbre et vit qu’il était beau et avenant. Elle cueillit son fruit, en mangea puis en donna une part à son compagnon qui l’accepta. Alors, leur entendement s’ouvrit. À travers Ève le Serpent enseigna à Adam une parole de Connaissance concernant le véritable Dieu, le Sans-Nom, le Père-Mère. Et les pensées d’Adam et Ève ressemblèrent à celles des Grands Anges éternels et supérieurs, et non à celles des faux dieux qui les avaient créés.
Lorsqu’ils eurent mangé, en effet, la Lumière de la Connaissance les illumina. Devenant sujets à la honte, ils comprirent qu’ils avaient été dénudés de la Connaissance. Une fois dégrisés, Adam et Ève virent qu’ils étaient nus, alors ils s’aimèrent d’un amour mutuel. Ils comprirent qu’en s’accouplant, lorsqu’Adam se trouvait en Ève, lorsqu’ils ne faisaient qu’un, la mort n’existait plus. Lorsqu’Ève était séparée d’Adam, la mort pouvait survenir. S’il entrait à nouveau en elle, la mort disparaissait. Ensemble, ils étaient revêtus de la Lumière parfaite. On se revêt de la Lumière dans le mystère de l’Union. Ils comprirent que cela ne serait possible que si de deux ils ne faisaient qu’Un.
Voyant que leurs créateurs étaient de forme animale, Adam et Ève les prirent en dégoût et comprirent beaucoup de choses. Les puissances des archontes avaient la forme de bêtes hideuses. Certains d’entre eux étaient polymorphes et contre-nature. Ils comprirent que le faux dieu était un mangeur d’hommes. C’est pourquoi on lui a sacrifié l’Homme.
Lorsque les archontes apprirent qu’Adam et Ève avaient transgressé leur commandement, ils s’empressèrent de se rendre au Jardin d’Éden, furieux et menaçants. Ils cherchèrent Adam et Ève, terriblement effrayés, qui s’étaient cachés sous les arbres du Paradis.
« Adam, où es-tu ? »
Il répondit :
« Je suis ici. Mais par crainte de vous, et honteux, je me suis dissimulé. »
« Ah bon ? Et qui t’a parlé de la honte dont tu t’es couvert si tu n’as pas mangé du fruit de cet arbre ? Qui t’a instruit ? Réponds ! »
Tremblant, Adam répondit :
« La femme que tu m’as donnée... C’est elle qui m’a donné le fruit de l’arbre, et j’en ai mangé. »
Les archontes se tournèrent vers Ève :
« Malheureuse ! Qu’as-tu fait ? »
Elle répondit :
« C’est l’Instructeur qui m’a engagée à manger et je l’ai fait. »
Alors les archontes s’approchèrent de l’Instructeur, mais leurs yeux furent obscurcis par sa Lumière. Ils ne purent rien faire. Le grand archonte maudit le Serpent et le nomma « Diable » pour tromper l’humanité. Mais le Serpent est le Christ, et ceux qui crurent en lui reçurent la Vie. Les archontes s’approchèrent ensuite de la femme pour la maudire, elle et sa descendance. Après la femme, ils maudirent Adam ainsi que la terre et ses fruits. Et tout ce qui avait été créé, ils le maudirent. Il n’y avait aucune bienveillance chez eux, car il est impossible de produire le bien à partir du mal !
Lorsque le grand archonte comprit qu’Adam et Ève lui étaient devenus supérieurs par l’éminence de Sofia, il mit Adam à l’épreuve. Avec ses acolytes, ils rassemblèrent tous les animaux sauvages et les amenèrent à lui pour observer comment il les nommerait. Quand il vit les créatures, Adam leur donna spontanément un nom. Les archontes furent bouleversés de voir Adam ainsi dégrisé et libéré de toute angoisse.
Alors ils se réunirent en conseil et se dirent :
« Voici qu’Adam est devenu comme l’un d’entre nous, si bien qu’il connaît la différence entre la Lumière et les Ténèbres. Afin qu’il ne soit pas séduit par l’Arbre de la Vie – comme il l’a été par l’Arbre de la Connaissance –, afin qu’il n’en mange pas ses fruits et ne devienne immortel, qu’il nous domine et nous critique, qu’il dédaigne notre magnificence et ; qu’ensuite, il nous condamne ainsi que notre monde, chassons-le du Paradis ! Expédions-le hors de notre domaine, vers le lieu d’où il provient, afin qu’il ne puisse jamais en savoir plus à notre sujet ! »
C’est ainsi qu’Adam vécut sa deuxième « séparation ». Les archontes le chassèrent hors du Paradis, avec sa compagne, Ève. Mais cela ne leur suffit pas, car ils le craignaient encore. Dans son irritation, le grand archonte diminua Adam et Ève dans le but de leur créer une limitation. Et la gloire qui se trouvait dans leur cœur les abandonna, lui et elle, ainsi que leur Connaissance primordiale. Les archontes jetèrent l’humanité dans de grandes tribulations et dans le souci de l’existence, afin que les humains soient accaparés par la vie matérielle et ne puissent avoir l’opportunité de s’élever vers le Saint-Esprit. À partir de ce jour-là, la Connaissance éternelle concernant le dieu de la Vérité s’éloigna d’Adam et Ève. À partir de ce moment-là, leur mémoire s’effaça, leur souveraineté les abandonna, la noblesse leur fut enlevée. Ils furent traités comme du bétail, comme des esclaves, comme de simples mortels plongés dans une profonde léthargie. Par conséquent, ils identifièrent le grand archonte et géniteur qui les avait façonnés, Yaldabaôth, comme étant leur seul et unique dieu tout-puissant, celui qui avait tout pouvoir sur eux. Ils l’appelèrent Yhwh et le servirent dans la crainte, la soumission et la tyrannie.
Puis leur cœur devint ténèbres.
Par la suite, toujours jaloux d’Adam et Ève, les archontes réduisirent progressivement la durée de vie de l’humanité. Leur souillure gagna en puissance et engendra toutes sortes d’effets néfastes : colère, envie, jalousie, haine, calomnie, mépris et guerre, mensonge et mauvais desseins, chagrins, plaisirs, infamies, perfidies et maladies, jugements injustes qu’ils rendaient selon leur bon plaisir.
Lorsque Sofia-Zoé vit que les archontes des ténèbres avaient maudit ses co-ressemblances, elle s’irrita. Sortant du Premier Ciel avec toute sa Puissance, elle chassa les archontes de leurs cieux et les précipita dans le monde du péché afin qu’ils y demeurent sous la forme de mauvais démons de la Terre.
Elle envoya sur Terre le Phénix, l’oiseau qui se met à mort lui-même et qui se redonne la vie, pour confirmer leur condamnation due au fait qu’ils s’étaient injustement séparés d’Adam et de sa descendance. Il existe trois types d’hommes avec leurs descendances : le spirituel, le psychique et le terrestre. Comme il y a trois formes de Phénix du Paradis : le premier est immortel, le deuxième dure mille ans, quant au troisième, il s’est embrasé. Ainsi, il y a également trois baptêmes : le premier est spirituel, le deuxième est par le feu et le troisième est par l’eau. Le Phénix apparaît d’abord vivant, ensuite il meurt, puis il se relève, comme un symbole de ce qui se manifestera à la fin des temps.
Puis le grand géniteur maltraita l’Homme de Dieu et le corrompit, c’est pourquoi il naquit des fils qui se mirent en colère les uns contre les autres. Le grand archonte (Yaldabaôth/Yhwh) souilla l’Ève charnelle. Elle engendra deux fils : Caïn et Abel. Caïn cultiva la terre et Abel devint berger. Ève conçut d’abord Abel du Premier Archonte, et le reste de ses enfants, c’est par ses autorités et leurs anges qu’elle les engendra.
La descendance de l’Ève terrestre se multiplia et parvint à maturité, mais tous étaient dans l’ignorance, ils ne savaient plus quelle était leur origine.
Lorsque les archontes furent expulsés hors de leurs Cieux, En-Bas, sur la Terre, ils se créèrent des anges – qui sont de nombreux démons – afin que ceux-ci les servent. Ils enseignèrent aux hommes beaucoup de choses mensongères, de magies et de sortilèges, de cultes d’idoles et d’effusions de sang, d’autels et de temples, de sacrifices et de libations pour tous les démons de la Terre. Ils créèrent la Destinée et la Fatalité, auxquelles les Dieux, les Anges et les démons furent associés, pour justifier les conséquences destructrices de leurs agissements. C’est de ces mêmes Destinée et Fatalité que découlèrent les fautes, les injustices, les blasphèmes associés à l’oubli et à l’ignorance, ainsi que tous les préceptes accablants qui persécutèrent l’homme et le soumirent à de grandes frayeurs. C’est ainsi que toute la création fut rendue aveugle, de sorte que les Hommes ne puissent reconnaître le Dieu de Lumière qui leur est supérieur en tout.
Le monde se laissa innocemment détourner et fut pendant longtemps captif de l’erreur. Bien des Hommes de la Terre servirent des démons, sans le savoir, convaincus de servir leur Dieu de Lumière. Ils se laissèrent distraire dans l’ignorance et l’oubli et furent condamnés à errer jusqu’à l’avènement de l’Homme véritable.
Il advint alors une grande bataille des anges contre les anges-démons. Ceux de gauche contre ceux de droite. Ceux du Ciel contre ceux de la Terre. Les Esprits contre les charnels. Ceux d’En-Haut contre ceux d’En-Bas, Dieu face au Diable.
Pistis, la Puissance venue d’En-Haut, avait été retenue prisonnière par les archontes. Elle fut accablée par eux de toutes sortes d’outrages, jusqu’à être enfermée dans un corps humain et « transvasée » au cours des siècles, dans des corps de femmes, comme une vagabonde, une impie, une damnée. En voyant la splendeur de Pistis, les archontes en arrivèrent à se faire la guerre et à s’entretuer à cause du désir furieux qu’elle avait réveillé en eux. La retenant pour l’empêcher de remonter au Ciel et pensant qu’elle était leur Christ, les archontes commirent l’adultère avec elle, chacun s’accouplant à un corps d’apparence féminine ou femelle – les prêtresses et toutes les femmes se virent ainsi réduites à de simples objets sexuels qui n’avaient plus rien de sacré. La déesse et ses représentantes terrestres tombèrent sous le joug de ces arrogants qui les souillèrent en se les passant l’un l’autre.
Pistis se dit : « Les archontes pensent que je suis leur Christ. Pourtant, je suis leur Mère, à chacun d’entre eux. Je me trouve à l’intérieur de chacun d’entre eux. Je circule dans toutes les souverainetés, toutes les puissances, dans les anges et dans tous les mouvements qui se trouvent dans la matière. Je me suis cachée en eux, mais aucun d’entre eux ne me connaît, bien que ce soit moi qui agisse en eux. Ils s’imaginent qu’ils ont eux-mêmes créé le tout, les ignorants, ils ne connaissent pas leurs racines ni le lieu d’où ils ont germé. »
Le grand archonte envoya ses anges (démons) vers les filles des hommes afin qu’ils prennent pour eux certaines d’entre elles et les ensemencent pour leur propre satisfaction. Alors les anges prirent l’apparence humaine des conjoints de ces filles et remplirent les hommes de l’esprit des Ténèbres qui était en eux. Les hommes vieillirent sans connaître le repos. Ils moururent sans avoir atteint de vérité ni connu le dieu de Lumière, et c’est ainsi que la création dut survivre dans l’esclavage jusqu’à aujourd’hui.
Après qu’elle fut passée par toutes les passions et qu’elle en eut émergé à grand-peine, Pistis supplia la Lumière (le Christ) qui l’avait abandonnée :
« Ô, Lumière, mon temps disparaît comme le brouillard. Je suis devenue matière. Ma Lumière m’a été enlevée et ma force détruite. J’ai perdu la mémoire de mon Mystère, celui que je pratiquais autrefois. Ma force a succombé, je suis devenue comme un démon qui habite dans la matière, privée de Lumière. Mes ennemis ont remplacé la Lumière qui était en moi par le Chaos. Je suis descendue en Enfer comme la force du Chaos. Et ma force s’est glacée en moi. Maintenant, Lumière, lève-toi, le moment est venu pour moi de retrouver ma voie et mon âme, car mon temps est accompli. Tous les archontes de la matière craindront les Mystères de ta Lumière, alors que d’autres se revêtiront de la Pureté de ta Lumière.
Lumière, montre-moi tes voies et je serai sauvée en les empruntant, et montre-moi les emplacements où je dois me rendre pour être délivrée du Chaos. Indique-moi la voie de ta Lumière et fais-moi savoir, ô Lumière, que tu es mon Sauveur ! »
Le Christ qui était remonté au Plérôme ne souhaitait pas redescendre à nouveau. Il lui envoya donc un Défenseur, le Mashiah, c’est-à-dire Jésus, tandis que le Sans-Nom, le Père-Mère, donnait à celui-ci toute vertu et livrait toutes choses en son pouvoir.
En voyant Jésus-Christ – l’Oint – Pistis fut d’abord saisie de crainte ; elle se couvrit de son voile, par révérence, puis l’ayant regardé, elle le reconnut, car il était investi de la puissance du Christ. Il resplendissait d’une grande Lumière, dix mille fois plus grande que la puissance au visage de lion, Yhwh. Ainsi elle comprit qu’il venait vraiment de la hauteur des régions supérieures, alors Pistis eut confiance.
Lorsque Jésus-Christ, le Sauveur, s’approcha de Pistis, la puissance à face de lion fut emplie de colère et projeta hors d’elle une multitude d’émanations véhémentes qui pourchassèrent Pistis afin de la conduire à nouveau dans les régions inférieures du Chaos. L’une d’elles prit la forme d’un grand serpent, l’autre se changea en basilic à sept têtes et une autre encore se transforma en dragon. Les deux ennemis de Sofia, Adamas et Yaldabaôth/Yhwh, engagèrent une bataille de Titans pour la garder prisonnière. Alors Jésus-Christ envoya Gabriel et Michaël ainsi que des satellites de la Lumière pour porter Pistis sur leurs mains afin que ses pieds ne puissent plus toucher les Ténèbres extérieures. Une grande lumière entoura Pistis de tous côtés, à droite comme à gauche, et une couronne de Lumière se plaça sur sa tête. Les émanations ne purent soutenir l’éclat de la grande Lumière et ne purent s’approcher de Pistis. Il leur fut impossible de lui faire encore du mal et tous tombèrent dans le Chaos, sans force.
Jésus-Christ sauva alors Pistis et lui restitua son trône, image de la royauté de la Déesse-Mère.
Ô, toi qui écoutes ces paroles, Sofia t’invite. Le divin est en toi, ne lui cause ni chagrin, ni peine, mais accueille-le et choie-le pour rester serein et pour devenir pur en ton âme et en ton corps ; ainsi tu seras digne de Sofia et familier de Dieu. Par elle, il te donnera une grande Lumière. Les interventions de l’Adversaire ne manquent pas, ses sortilèges sont variés. L’homme sot, particulièrement, a été privé du discernement du Serpent. Il faut en effet que tu allies ces deux choses, le discernement du Serpent et l’innocence de la Colombe, de peur que l’Adversaire entre chez toi sous la forme du flatteur, comme s’il était un véritable ami, et te dise : « Je te donne bon conseil, mon ami, écoute-moi », et que toi, tu n’aies pas compris sa fourberie et l’écoutes comme un véritable ami.
Sofia guide l’âme jusqu’au lieu de Dieu...
[1] Texte librement inspiré du livre Le Chaos des Origines, d’Anton Parks, Éditions Pahana, 2016.
[2] Divinités immortelles.
[3] Entités archaïques qui combattaient la Lumière pour dominer et pour acquérir toujours plus de pouvoir.
[4] « Fils », car elle faisait partie des Dieux de Lumière qui avaient engendré l’Homme Originel, « frère », car ils étaient tous deux des Éons, divinités immortelles, et « fiancé », car elle appartenait à la lignée des Sofia, les épouses divines.
Un brillant chercheur, Anton Parks, a décidé de relever un fabuleux défi, celui de mettre en lumière certains sujets non révélés au grand public. Cet expert en codex, tablettes d’argile, papyrus et textes anciens a eu la patience infinie et la remarquable audace de se lancer dans l’exercice périlleux de reconstituer le grand puzzle d’une très probable facette de l’histoire de la Création. Il a réussi à démontrer sur la base de ses recherches personnelles, littérature antique à l’appui, qu’une habile tromperie tend effectivement à nous éloigner de nous-mêmes et que les compilations et réécritures des textes bibliques sont responsables d’un étrange renversement des rôles : à un moment donné le « bon » est devenu le « méchant », et inversement. Pourquoi cela ?
Faisant partie des rares experts en sémantique historique capable de déchiffrer, entre autres, les tablettes cunéiformes de Sumer et les textes sacrés issus du Proche-Orient ancien, il a étudié, entre autres, les mythologies mésopotamiennes, égyptiennes, judaïques afin de mettre en évidence, de manière irréfutable, le fait que ces mythes ou légendes racontent une seule et même histoire. La nôtre !
Anton Parks lève le voile et nous offre une version unique de l’histoire de la Création, une fabuleuse recomposition d’éléments oubliés, censurés ou maladroitement interprétés. Il a compilé un récit à partir des versions bibliques, rabbiniques, intertestamentaires, gnostiques et apocryphes de la Genèse. Son adaptation est simple, limpide, accessible à tous et nous révèle bien des surprises.
Pour rédiger « la petite histoire de la Genèse » qui suit, je me suis librement inspirée de son essai, « Le Chaos des Origines », paru aux éditions Pahana Books en 2016. Toute ma reconnaissance va donc à Anton Parks. Je salue son œuvre inspirée et inspirante et le remercie pour son courage et sa persévérance. Grâce à son travail, l’humanité a aujourd’hui la possibilité de redécouvrir une partie de son passé.
Petite histoire de la Genèse [1]
Tout au début, avant l’apparition du temps, avant l’existence de toute chose, le Sans-Nom, Créateur incréé et androgyne, reposait au cœur de sa gloire dans une tranquillité absolue, flottant entre deux eaux du vaste chaos liquide de l’Océan Primordial. L’Innommable coexistait avec sa compagne, la Pensée, appelée encore Silence, ou Grâce. Un jour, cependant, il eut l’idée d’émettre à partir de lui-même un Principe de toute chose qu’il déposa soigneusement, comme une semence, dans le sein de sa compagne Silence. Arrivée au terme de sa gestation, elle enfanta une multitude d’Éons, des êtres parfaits, des divinités immortelles capables de s’auto-engendrer. Ceux-ci dédiaient leur existence à l’expérimentation de Dieu.
Parmi ces Éons se trouvait une émanation de la sagesse divine, le Souffle de Sofia. Cet être suprême décida d’engendrer des êtres à son image, parfaits et uniques, dans le seul but de rendre gloire au Divin. Mais, tandis qu’elle s’appliquait à se reproduire, elle fut éblouie et cligna des yeux. Sofia détacha son regard de la Lumière divine, tourna la tête l’espace d’un instant et, dans une brève hésitation, jeta malencontreusement un regard dans les profondeurs de l’Abîme, l’étendue vide et sans limite du Sans-Nom. De cette seconde d’inattention naquit la division, puis la séparation, l’oubli et l’ignorance de soi-même et de Ce qui Est. C’est ainsi que, par inadvertance, elle introduisit le mal dans le Monde en engendrant des imitations, des êtres à l’état d’ombre. Suite à la déficience de Sofia, une matrice obscure se forma dans l’espace et se revêtit progressivement du voile de l’oubli.
Adamas, le premier homme ainsi créé dans ce monde de l’oubli, apparut bientôt entouré de ses troupes de rebelles insoumis, tous habités par une gloire vaniteuse. Ils étaient coupés de leurs nobles origines et ne se souvenaient de rien. Convaincus d’être les seuls êtres vivants au monde, ils oublièrent jusqu’à l’existence de Dieu. Ils n’étaient qu’une imitation d’êtres divins et parfaits, mais se croyaient sublimes et tout puissants. Le désir de dominer grandit en eux. Ils créèrent une horde de combattants, de guerriers féroces et impitoyables, de fauteurs de troubles, avides de pouvoir. Ils générèrent l’Ombre qui engendra le Chaos sans fin. Un voile se créa, séparant ce qui était En-Haut, le monde des immortels qui avaient conservé le souvenir, de ce qui était En-Bas, le monde des ignorants et de l’oubli, ceux de l’imitation. L’Ombre exista en dessous du voile et devint matière, un monde vide et desséché dépourvu du Souffle de l’Esprit.
Alors une guerre terrible éclata entre ceux qui étaient du souvenir et ceux de l’oubli ; entre les Élohim[2] et les archontes[3], entre ceux qui séjournaient dans le Plérôme – plénitude du monde céleste – et ceux qui étaient tombés dans un monde de matière dépourvu du Souffle de l’Esprit.
Face à ce climat hostile, les Éons décidèrent d’intervenir. Ils insufflèrent la Lumière du commencement dans un Homme immortel et androgyne, le Premier Manifesté, le premier Éon terrestre. Ils espérèrent que les humanoïdes trouveraient en lui un exemple à suivre et qu’ils pourraient ainsi atteindre le salut et s’éveiller de l’oubli. Cet Être de Lumière possédait à lui seul tout le savoir des puissances ainsi que le pouvoir et les royautés de l’En-Haut, car, d’un commun accord, les Éons s’étaient unis et avaient manifesté toutes les Grandeurs en lui. On lui donna pour compagne, miroir de son âme, une fille de la sagesse divine, porteuse du Souffle de Sofia. Ce premier Homme prit forme dans un corps éthérique, il fut le premier Adam, l’Être Humain Originel et Parfait, le Christ, une émanation du Logos, un gigantesque Être de Lumière, aussi grand que la Terre, éclatant de splendeur, prodigieux et éblouissant.
Le dernier Éon de Lumière créé, le plus jeune en âge, était une femme issue d’une femme, porteuse du Souffle de Sofia et donc de l’image du Christ. Elle possédait le don de la vision dans l’espace lointain et la capacité d’auto-engendrer des créatures au service de Dieu. Elle eut, elle aussi, l’idée de chercher à pénétrer l’inconcevabilité divine afin de rendre gloire au Mère-Père, le Sans-Nom, qui se trouve En-Haut. Son intention était bonne, mais malheureusement bien en-dessus de ses capacités, car elle projetait de créer quelque chose de parfait à elle seule, sans passer par l’union avec un conjoint sacré. Elle se détacha candidement du groupe des immortels dans l’illimité et prit forme sous le nom de Pistis. Ainsi nouvellement constituée, elle obtint la conscience, mais à sa grande surprise, elle fut subitement vidée du Logos, c’est-à-dire séparée de l’Essence christique, de son fils, frère et fiancé[4]. Pistis sombra tristement dans l’ignorance. Heureusement, le Christ vint à sa rescousse dans l’invisible. Il lui fit don de la Connaissance de Sofia et lui mit un baume d’essence de Sofia sur ses yeux pour qu’elle ne perde pas de vue ceux de sa race et qu’elle se souvienne de l’endroit d’où elle venait.
Pistis reçut la grâce de ces puissances, mais son conjoint, le Christ, ne l’avait pas rejointe, il était resté dans le monde d’En-Haut. Elle se retrouvait seule et abandonnée. Séparée de son amant, frère et fils, elle le chercha désespérément, mais ne rencontra que le vide. Elle prolongea son regard aussi loin qu’elle le pût, jusque dans les régions inférieures. Ne le trouvant toujours pas, elle quitta la plénitude des Éons illimités, le Plérôme, et s’élança résolument dans l’immensité, mais sans consentement divin, sans réaliser qu’après avoir sombré dans la solitude de la séparation, son geste la précipiterait cette fois dans l’oubli. Pistis assumait courageusement la douloureuse responsabilité de sa décision : chercher et trouver toute seule la Lumière divine.
Elle plongea donc dans les eaux célestes et y enfanta un Christ selon le souvenir qu’elle avait gardé des réalités supérieures. À peine né, ce nouveau Christ s’extirpa de cette obscurité et remonta directement dans le Plérôme des Éons de Lumière. À nouveau seule au cœur de l’Ombre et coupée du Souffle de l’Esprit saint, Pistis erra dans la substance aqueuse insondable et dans les ténèbres illimitées. Elle prit vraiment conscience de son erreur lorsque l’éclat de sa Lumière se mit à décliner progressivement. Enchaînée à ce corps de matière, elle se repentit et tenta de s’échapper des eaux pour remonter vers le Souffle de Sofia, sa Mère Originelle, mais elle ne le put à cause de la pesanteur du corps qui l’enveloppait. Se sentant de plus en plus mal, elle comprit qu’il fallait protéger la Lumière des mondes supérieurs de l’effet néfaste des éléments inférieurs pour éviter qu’Elle n’ait à subir les mêmes tourments qu’elle. Alors, dans un formidable élan, Pistis bondit et s’éleva dans les hauteurs, se déploya et, de son corps aqueux, forma une Voûte céleste protectrice.
Toujours abandonnée, seule avec l’Ombre, Pistis enfanta un deuxième fils. Cette fois-ci, elle donna vie à une œuvre imparfaite et dépourvue d’esprit, un serpent à face de lion aux yeux flamboyants et étincelants. Lui aussi, à peine né, s’enfuit et s’en alla errer dans le Chaos. Pistis se lança immédiatement à sa poursuite, mais lorsqu’il s’enfonça encore plus dans la matière, elle dut se résoudre à l’abandonner. Elle le nomma Yaldabaôth, le Grand Archonte, celui qui avait hérité de la considérable puissance de sa mère, mais qui restait complètement amnésique. Il ne savait pas qui il était, d’où il venait, ni pourquoi il se trouvait là.
Yaldabaôth avait pris conscience de sa grandeur, mais son regard s’arrêtait à sa propre personne. Il pensait être tout puissant et le plus grand de ce monde. De sa Mère il ne percevait qu’un pâle reflet. Comme elle, il se sentait l’âme d’un créateur. Sans permission, à partir de ce reflet trompeur et avec sa perception limitée, il créa.
Il créa un nouveau ciel et une nouvelle terre. Pour chacun de ses fils, il créa des cieux remarquables en guise de demeure, des trônes, des temples, des chars célestes. Très vite, il fut entouré d’une puissante armée de seigneurs, de dieux, d’anges et d’archanges – les archontes – ; ils avaient tous été créés pour le servir.
Tout ce que le grand archonte produisait était inspiré d’une vague image brouillée. À partir du reflet d’un reflet il engendra des fils, des petits-fils, des vertus, des puissances et des dominations. Des souffles de nature démoniaque, issus de l’Eau, du Feu, de l’Obscur et de la Lumière, s’unirent sur la voie de la perdition. En voyant l’impiété de Yaldabaôth, Pistis pleura amèrement et pria pour la semence de son fils engendreur de démons.
Lorsque la création fut terminée, Yaldabaôth se flatta et se fit glorifier par toute l’armée des archontes. Tous les dieux et leurs archontes le vénérèrent et lui rendirent gloire, et lui se vantait en répétant sans cesse : « Je n’ai besoin de personne. Je suis Dieu, je suis le plus grand, le créateur tout puissant des cieux et de la terre ! » Alors Pistis se fâcha et, dans l’invisible, elle dit à son fils :
« Tu te trompes, dieu aveugle et stupide ! Un Homme Immortel, un Homme de Lumière existait déjà bien avant toi et, tôt ou tard, il se manifestera parmi tes modelages. Il te piétinera comme on foule l’argile du potier et tu chuteras avec les tiens jusque dans l’abîme. Alors tes œuvres seront supprimées et tout deviendra comme si rien n’avait jamais existé. »
Ayant dit cela, Pistis dévoila le reflet de sa véritable grandeur dans les eaux, puis elle s’éleva vers sa Lumière.
Lorsque Sabaôth, un des fils de Yaldabaôth, entendit la voix de Pistis, il la loua, condamna son père sans hésitation, et se rangea aux côtés de la Déesse, sa grand-mère. En signe de reconnaissance, Pistis tendit son doigt et répandit sur Sabaôth une lumière issue de sa Lumière. Depuis ce jour Sabaôth fut appelé le Seigneur des Forces, car il avait reçu un grand pouvoir sur toutes les puissances du Chaos. Ivres de jalousie et dans leur trouble, celles-ci lui livrèrent une guerre sans merci. Voyant ce combat, Pistis envoya à son petit-fils des archanges qui le sauvèrent et l’emportèrent au septième ciel. Elle l’établit comme roi au-dessus de tous, afin qu’il soit supérieur aux dieux du Chaos. Ensuite, Pistis se divisa et engendra une fille, Zoé – de la lignée des Sofia – qu’elle délégua auprès de Sabaôth, afin qu’elle lui enseignât tout ce qu’il devait savoir pour préserver sa royauté.
Le grand géniteur du Chaos, Yaldabaôth, voyant que son fils était préféré à toutes les autorités du Chaos, devint jaloux. Il se mit en colère et engendra la Mort.
La passion de Pistis était sa quête du Grand Invisible. Dans son audace elle voulait comprendre la grandeur de la lumière du « Trésor de lumière » et se rapprocher de lui. Du fait même qu’elle s’attaquait à l’impossible, elle se sentait en situation d’échec, abandonnée, seule et exclue. Elle éprouva de la tristesse pour n’avoir pas réussi à saisir la Lumière, de la crainte à la perspective de voir la Vie lui échapper de la même manière que la Lumière, et de l’angoisse, car elle baignait dans la solitude et l’oubli.
Yaldabaôth se mit en colère contre sa mère. Il la haït pour s’être tournée vers cette insolente Lumière, inaccessible et irritante parce que lui, il ne la percevait pas. Le grand arrogant poursuivit sa mère et la força à regarder vers le bas afin qu’elle fût éblouie par sa toute puissante face de lion. Dupée par son obsession de retrouver les Mondes divins et croyant sincèrement se rapprocher un peu de la Lumière qu’elle cherchait depuis le commencement, Pistis se dit bravement : « Je me rendrai toute seule en ce lieu, afin de récolter un peu de lumière, elle me donnera les moyens de m’élever vers la lumière des Lumières, celle des hauteurs des Hauteurs, et je serai libérée. » Sur ce, elle sortit de sa région et plongea naïvement dans les mondes inférieurs. Les archontes la poursuivirent et la poussèrent jusque dans le Chaos. D’obscures émanations matérielles l’attendaient et l’encerclèrent aussitôt. Alors, sans vergogne, le grand archonte à face de lion avala toutes les Puissances de Lumière qui se trouvaient en Pistis, sa mère.
Voyant qu’elle faiblissait et qu’elle se vidait de toutes ses vertus, Pistis se tourna vers les Hauteurs et appela à l’aide avec repentance. Elle se sentait coupable d’avoir trop voulu trouver la lumière des Lumière toute seule. L’Esprit invisible entendit ses plaintes et intercéda en sa faveur. Dans l’invisible, son conjoint, le Christ, vint à nouveau à son secours pour la sortir de cette mauvaise passe. Alors une voix sortit des Cieux et déclama avec force ce que Pistis avait déjà dit à son fils :
« L’Homme existe, ainsi que le fils de l’Homme. »
Yaldabaôth l’entendit et comprit avec appréhension que sa mère avait dit vrai. Il existait vraiment un Homme Immortel, un Homme de Lumière, avant lui ? Il en fut grandement troublé, car il avait déclaré à tous les dieux et à leurs anges que Dieu, c’était lui, et qu’il n’y en avait aucun autre ! Yaldabaôth redoutait qu’ils comprennent la vérité et se retournent furieusement contre lui. Alors, il commanda d’un ton ironique :
« Si quelqu’un existe avant moi, qu’il se manifeste afin que nous puissions apprécier sa merveilleuse Lumière ! »
À cet instant, une lumière sortit des Cieux et traversa tous les cieux de la Terre. Une forme humaine se manifesta progressivement à l’intérieur de la Lumière éblouissante et devint visible à toutes les puissances qui furent grandement troublées par cette apparition.
Dès lors, cet ange fut appelé Ange de Lumière. Le sens en était « L’Homme-au-sang-lumineux », et la Terre qui s’étendait sous ses pieds se nomma « Adamah Sainte » ou « Terre-sainte-adamantine ». La vie fut introduite sur Terre. Des plantes germèrent spontanément, le sol se peupla de reptiles, les airs se remplirent d’oiseaux et les eaux de poissons, tous possédaient la semence de Lumière. Pistis reçut du Souffle de Sofia, sa Mère Originelle, le pouvoir de créer de grands luminaires et des étoiles. Elle les plaça dans le Ciel pour qu’ils éclairent la Terre et qu’ils marquent les repères temporels, les années, les mois, les jours et les nuits.
À la vue de l’Adam de Lumière, les archontes tremblèrent, car toute la partie inférieure du monde fut soudainement illuminée par la manifestation de son image. Ils se moquèrent du grand archonte qui se prenait pour le seul et unique dieu, le tout puissant, et le narguèrent avec cynisme :
« Ne serait-ce pas là le dieu qui a le pouvoir de détruire notre ouvrage ? »
Mais le grand archonte ne s’ébranla pas. Il répondit avec ruse :
« Peut-être, mais si nous ne voulons pas qu’il s’en prenne à nous, créons un homme à partir du sol. Un homme qui serait à l’image de notre corps et à la ressemblance de l’Être de Lumière, de telle sorte que lorsqu’il le verra, l’Adam de Lumière s’éprendra de cette créature et détournera son regard de nous. Ensuite, nous ferons nos serviteurs de ceux qui seront engendrés de la Lumière, pour toute la durée de cette ère. »
Sofia-Zoé, qui avait pris connaissance de leur projet, s’amusa de leur naïveté. Elle les devança et, afin de les contrer, créa son propre humanoïde. Elle laissa tomber une goutte de Lumière qui s’écoula sur l’eau. Un être androgyne apparut, contenant l’aspect de la Mère Suprême, le Souffle de Sofia : il s’agissait d’Ève de la Vie (ou l’Instructrice de la Vie). Son futur fils, le serpent Samaël, sera le Grand Instructeur, plus sage que tous, celui que les archontes nommeront plus tard « le Diable ». Sofia-Zoé baptisa l’Ève de Vie du nom de Noréa. Elle faisait partie de la lignée des Sofia.
Yaldabaôth et ses archontes créèrent donc leur ouvrier, un homme terrestre, avec la poussière du sol. Ils le coupèrent des Mondes célestes pour l’affaiblir. Ils le façonnèrent avec le corps d’un animal en le rendant entièrement terrestre et dépourvu de la spiritualité qui caractérisait l’Adam de Lumière, le Christ. L’homme se nourrirait et vivrait comme une bête.
Lorsque la création d’Adam-2 fut terminée, Yaldabaôth observa l’être qu’il venait de façonner avec un certain mépris, car il avait pris la forme d’un avorton, misérable et dépourvu d’esprit. Toutefois, la créature le tourmentait passablement, car il se souvenait des paroles de Pistis. Il craignait que l’Homme Primordial, l’Adam-1, ne finisse par entrer dans cette créature et qu’il la domine à ses dépens. C’est pour cela que, dans le doute, il abandonna Adam-2 à terre pendant quarante jours, le laissant là, gisant comme un cadavre dépourvu d’âme. Au quarante-et-unième jour, prise de pitié, Sofia-Zoé s’approcha d’Adam-2 et souffla délicatement sur son visage. Il commença à bouger, mais ne parvint pas à se lever.
Lorsque les sept archontes débarquèrent et aperçurent Adam-2 qui se tortillait sur le sol, ils furent pris d’une grande inquiétude. Yaldabaôth le saisit brutalement par les épaules et lança au Souffle qui se trouvait en lui :
« Qui es-tu ? D’où viens-tu ? Comment es-tu arrivé jusqu’ici ? »
« Je suis venu par la puissance de l’Homme de Lumière pour détruire ton ouvrage », lui répondit une faible voix.
Lorsqu’ils entendirent cela, les archontes éclatèrent de rire parce que ce pauvre avorton d’Adam-2 n’avait vraiment rien d’impressionnant. Et lorsqu’ils constatèrent qu’il ne pouvait même pas se lever, ils se réjouirent et appelèrent ce jour « repos », car ils étaient délivrés de leur angoisse.
Sofia-Zoé envoya alors sa fille, Ève de la Vie, afin qu’elle accomplisse son rôle d’Instructrice et qu’elle aide la pauvre créature dépourvue d’âme, l’Adam-2, à se lever. Une fois auprès de lui, Ève de la Vie lui dit :
« Adam, redresse-toi et vis ! »
Sa parole agit immédiatement. Adam-3 ouvrit les yeux et se leva. Contemplant Ève de la Vie avec émerveillement il lui dit :
« On t’appellera “Mère des vivants”, car tu es celle qui m’a donné la vie. »
Alors, elle s’approcha de lui et lui dit :
« Je suis une représentante de Sofia, une conjointe immaculée, je suis une émissaire de la Mère de la Voix, parlant de multiples manières et parachevant le Tout. C’est en moi que réside la Connaissance des choses immortelles. Je suis une envoyée de notre Mère l’Éternelle, la Matrice qui donne forme au Tout, engendrant la Lumière qui resplendit dans la Gloire. Je suis celle qui est descendue dans le Monde des mortels pour le compte de l’Esprit de Sofia, notre Mère Suprême.»
Puis elle initia Adam-3 au Secret de l’En-Haut. Il devint ainsi un modelage et une créature mixte et androgyne, dépositaire de la Gauche et de la Droite. L’âme d’Adam-3 était issue du Souffle, l’Esprit était sa conjointe. Ce qui lui fut donné, ce fut l’esprit de la Mère Suprême, la sagesse de Dieu, le Souffle de Sofia.
Lorsque les archontes aperçurent Adam-3, qui était devenu visible grâce à l’ombre de la Lumière qui se trouvait en lui, ils s’approchèrent de lui avec méfiance. En l’observant de plus près, ils virent que sa pensée était noble et prestigieuse, supérieure à celle de tous ses créateurs. Ils s’emparèrent alors de lui et le placèrent dans leur paradis, le Jardin d’Éden, pour qu’il y travaille comme esclave et pour qu’ils puissent le surveiller de près. D’ailleurs, ils prenaient tous ceux qui étaient libres et se les attachaient comme esclaves. Mais quand ils aperçurent une forme féminine sur le côté d’Adam-3, ils se dirent l’un à l’autre :
« Qui est cette Femme de Lumière ? Elle ressemble étrangement à cette forme qui est apparue dans l’Homme de Lumière. Venez ! Emparons-nous d’Elle et fertilisons-la avec notre semence de sorte qu’Elle soit souillée et ne puisse plus remonter dans la Lumière, et tous ceux qu’Elle engendrera nous seront assujettis à jamais. Endormons Adam-3 et, dans son sommeil, retirons-la de son côté, puis instruisons-le qu’Elle est issue de lui. Ainsi, à son réveil, il croira que la Femme lui est soumise et qu’il a toute autorité sur Elle. »
Or, avec le sommeil, c’est l’ignorance qu’ils firent s’abattre sur l’Homme. Ce que les archontes imposèrent à l’homme androgyne en lui retirant son Essence féminine, le Souffle de Sofia, c’est la séparation primordiale, le lien de l’oubli. Et c’est ainsi que l’Homme devint mortel.
Les archontes scindèrent les deux côtés d’Adam-3 qui se trouvaient dos à dos et créèrent pour chaque moitié un dos inerte. L’homme et la femme existèrent pour la première fois séparés l’un de l’autre, égal à égal. La première femme d’Adam, Lilith, incarnait la Lumière des Sofia, le Féminin supérieur, elle était la Compagne divine, le Souffle de Vie, puissante et redoutable comme une diablesse, peu encline à la soumission.
Adam-4 et Lilith ne firent pas bon ménage, car Lilith refusait d’accepter la supériorité du mâle qu’Adam-4 revendiquait. Elle réclamait haut et fort le statut d’égalité qui lui revenait de droit et finit par s’enfuir, maudissant la déloyauté de son compagnon et la perfidie des archontes qui l’irritaient plus qu’ils ne l’impressionnaient.
Mais Ève de Lumière était toujours là. Elle s’était dissimulée à l’intérieur d’Adam-4 et y resta bien cachée. Elle se riait de l’Obscurité qui la poursuivait et qui se montrait incapable de la capturer. Le grand archonte finit par apercevoir sa présence et voulut poursuivre son œuvre maléfique. Il s’employa alors à extraire d’Adam-4 une partie de sa puissance. Il créa un modelage de matière, en forme de femme qui ressemblait à s’y méprendre à l’Ève de Vie. Il y plaça la partie qu’il avait soustraite à la puissance d’Adam. Ève fit son apparition.
Ève de la Vie, puissante comme elle l’était, se moqua du projet du grand géniteur. Elle s’éloigna d’Adam-5, entra dans un arbre et y demeura. Elle était devenue l’Arbre de la Connaissance.
Les autres archontes s’approchèrent d’Adam-5 et, voyant la femme de chair à ses côtés, s’unirent à elle, convaincus qu’il s’agissait d’Ève de la Vie, sans savoir qu’ils n’avaient souillé que le sosie de l’Ève de Sofia. Croyant avoir gagné, les archontes se réjouirent de voir Adam et sa compagne errer dans l’ignorance, comme de simples bêtes.
Ainsi le premier Adam fut spirituel, l’Être Humain Originel, un être de pure Lumière.
Le deuxième Adam fut un prototype, un avorton dépourvu d’Esprit et de Souffle de vie.
Le troisième Adam fut complet et hermaphrodite. Ève de la Vie lui avait insufflé la Connaissance, le Souffle de Sofia.
Le quatrième Adam, le compagnon de Lilith, fut psychique ; il possédait un Esprit, mais était dépourvu d’âme.
Le cinquième Adam, le compagnon d’Ève, fut terrestre, l’homme-de-la-loi plongé dans l’oubli et l’ignorance, celui qui apparut après le jour de repos qu’on appelle « jour du soleil ».
Le grand archonte comprit assez rapidement que, malgré tous ses efforts, l’Homme de Lumière représentait toujours une menace et qu’il ferait mieux de se méfier de la femme qui s’était faite arbre. Troublé, il s’approcha d’Adam et Ève et leur dit :
« Tous les arbres qui sont dans le Paradis ont été créés pour vous. Sentez-vous libres de manger leurs fruits. Mais l’Arbre de la Connaissance, toutefois, gardez-vous bien d’en manger, car si vous en mangez, vous mourrez. »
Après leur avoir causé une grande frayeur, il se retira avec ses archontes.
Alors le Souffle de Sofia s’infiltra dans le Serpent, l’Instructeur, afin d’éclairer Adam et Ève et de les sortir de leur profond aveuglement, car ils étaient tous les deux dans un état de déchéance avancée. Le sage d’entre tous, le Serpent, instruisit la femelle charnelle, Ève, en disant :
« Que vous a-t-il dit ? De tous les arbres qui sont dans le Paradis, tu mangeras. Mais de l’Arbre de la Connaissance du Mal et du Bien, tu n’en mangeras pas ? C’est cela ? »
Ève lui répondit :
« Non seulement il a dit : “N’en mange pas”, mais aussi “N’y touche pas, car le jour où vous en mangerez, vous mourrez.” »
Ce à quoi le Serpent Instructeur répondit :
« Ne craignez rien, vous ne mourrez pas ! Je vous le promets ! Le grand géniteur sait en effet que si vous en mangez, votre intellect se dégrisera et vous deviendrez comme des dieux, connaissant la différence entre les Hommes mauvais et les bons. En effet, il vous a dit cela parce qu’il est jaloux et parce qu’il voulait être certain que vous n’en mangerez pas. »
Ève eut confiance dans les paroles de l’Instructeur. Elle regarda l’arbre et vit qu’il était beau et avenant. Elle cueillit son fruit, en mangea puis en donna une part à son compagnon qui l’accepta. Alors, leur entendement s’ouvrit. À travers Ève le Serpent enseigna à Adam une parole de Connaissance concernant le véritable Dieu, le Sans-Nom, le Père-Mère. Et les pensées d’Adam et Ève ressemblèrent à celles des Grands Anges éternels et supérieurs, et non à celles des faux dieux qui les avaient créés.
Lorsqu’ils eurent mangé, en effet, la Lumière de la Connaissance les illumina. Devenant sujets à la honte, ils comprirent qu’ils avaient été dénudés de la Connaissance. Une fois dégrisés, Adam et Ève virent qu’ils étaient nus, alors ils s’aimèrent d’un amour mutuel. Ils comprirent qu’en s’accouplant, lorsqu’Adam se trouvait en Ève, lorsqu’ils ne faisaient qu’un, la mort n’existait plus. Lorsqu’Ève était séparée d’Adam, la mort pouvait survenir. S’il entrait à nouveau en elle, la mort disparaissait. Ensemble, ils étaient revêtus de la Lumière parfaite. On se revêt de la Lumière dans le mystère de l’Union. Ils comprirent que cela ne serait possible que si de deux ils ne faisaient qu’Un.
Voyant que leurs créateurs étaient de forme animale, Adam et Ève les prirent en dégoût et comprirent beaucoup de choses. Les puissances des archontes avaient la forme de bêtes hideuses. Certains d’entre eux étaient polymorphes et contre-nature. Ils comprirent que le faux dieu était un mangeur d’hommes. C’est pourquoi on lui a sacrifié l’Homme.
Lorsque les archontes apprirent qu’Adam et Ève avaient transgressé leur commandement, ils s’empressèrent de se rendre au Jardin d’Éden, furieux et menaçants. Ils cherchèrent Adam et Ève, terriblement effrayés, qui s’étaient cachés sous les arbres du Paradis.
« Adam, où es-tu ? »
Il répondit :
« Je suis ici. Mais par crainte de vous, et honteux, je me suis dissimulé. »
« Ah bon ? Et qui t’a parlé de la honte dont tu t’es couvert si tu n’as pas mangé du fruit de cet arbre ? Qui t’a instruit ? Réponds ! »
Tremblant, Adam répondit :
« La femme que tu m’as donnée... C’est elle qui m’a donné le fruit de l’arbre, et j’en ai mangé. »
Les archontes se tournèrent vers Ève :
« Malheureuse ! Qu’as-tu fait ? »
Elle répondit :
« C’est l’Instructeur qui m’a engagée à manger et je l’ai fait. »
Alors les archontes s’approchèrent de l’Instructeur, mais leurs yeux furent obscurcis par sa Lumière. Ils ne purent rien faire. Le grand archonte maudit le Serpent et le nomma « Diable » pour tromper l’humanité. Mais le Serpent est le Christ, et ceux qui crurent en lui reçurent la Vie. Les archontes s’approchèrent ensuite de la femme pour la maudire, elle et sa descendance. Après la femme, ils maudirent Adam ainsi que la terre et ses fruits. Et tout ce qui avait été créé, ils le maudirent. Il n’y avait aucune bienveillance chez eux, car il est impossible de produire le bien à partir du mal !
Lorsque le grand archonte comprit qu’Adam et Ève lui étaient devenus supérieurs par l’éminence de Sofia, il mit Adam à l’épreuve. Avec ses acolytes, ils rassemblèrent tous les animaux sauvages et les amenèrent à lui pour observer comment il les nommerait. Quand il vit les créatures, Adam leur donna spontanément un nom. Les archontes furent bouleversés de voir Adam ainsi dégrisé et libéré de toute angoisse.
Alors ils se réunirent en conseil et se dirent :
« Voici qu’Adam est devenu comme l’un d’entre nous, si bien qu’il connaît la différence entre la Lumière et les Ténèbres. Afin qu’il ne soit pas séduit par l’Arbre de la Vie – comme il l’a été par l’Arbre de la Connaissance –, afin qu’il n’en mange pas ses fruits et ne devienne immortel, qu’il nous domine et nous critique, qu’il dédaigne notre magnificence et ; qu’ensuite, il nous condamne ainsi que notre monde, chassons-le du Paradis ! Expédions-le hors de notre domaine, vers le lieu d’où il provient, afin qu’il ne puisse jamais en savoir plus à notre sujet ! »
C’est ainsi qu’Adam vécut sa deuxième « séparation ». Les archontes le chassèrent hors du Paradis, avec sa compagne, Ève. Mais cela ne leur suffit pas, car ils le craignaient encore. Dans son irritation, le grand archonte diminua Adam et Ève dans le but de leur créer une limitation. Et la gloire qui se trouvait dans leur cœur les abandonna, lui et elle, ainsi que leur Connaissance primordiale. Les archontes jetèrent l’humanité dans de grandes tribulations et dans le souci de l’existence, afin que les humains soient accaparés par la vie matérielle et ne puissent avoir l’opportunité de s’élever vers le Saint-Esprit. À partir de ce jour-là, la Connaissance éternelle concernant le dieu de la Vérité s’éloigna d’Adam et Ève. À partir de ce moment-là, leur mémoire s’effaça, leur souveraineté les abandonna, la noblesse leur fut enlevée. Ils furent traités comme du bétail, comme des esclaves, comme de simples mortels plongés dans une profonde léthargie. Par conséquent, ils identifièrent le grand archonte et géniteur qui les avait façonnés, Yaldabaôth, comme étant leur seul et unique dieu tout-puissant, celui qui avait tout pouvoir sur eux. Ils l’appelèrent Yhwh et le servirent dans la crainte, la soumission et la tyrannie.
Puis leur cœur devint ténèbres.
Par la suite, toujours jaloux d’Adam et Ève, les archontes réduisirent progressivement la durée de vie de l’humanité. Leur souillure gagna en puissance et engendra toutes sortes d’effets néfastes : colère, envie, jalousie, haine, calomnie, mépris et guerre, mensonge et mauvais desseins, chagrins, plaisirs, infamies, perfidies et maladies, jugements injustes qu’ils rendaient selon leur bon plaisir.
Lorsque Sofia-Zoé vit que les archontes des ténèbres avaient maudit ses co-ressemblances, elle s’irrita. Sortant du Premier Ciel avec toute sa Puissance, elle chassa les archontes de leurs cieux et les précipita dans le monde du péché afin qu’ils y demeurent sous la forme de mauvais démons de la Terre.
Elle envoya sur Terre le Phénix, l’oiseau qui se met à mort lui-même et qui se redonne la vie, pour confirmer leur condamnation due au fait qu’ils s’étaient injustement séparés d’Adam et de sa descendance. Il existe trois types d’hommes avec leurs descendances : le spirituel, le psychique et le terrestre. Comme il y a trois formes de Phénix du Paradis : le premier est immortel, le deuxième dure mille ans, quant au troisième, il s’est embrasé. Ainsi, il y a également trois baptêmes : le premier est spirituel, le deuxième est par le feu et le troisième est par l’eau. Le Phénix apparaît d’abord vivant, ensuite il meurt, puis il se relève, comme un symbole de ce qui se manifestera à la fin des temps.
Puis le grand géniteur maltraita l’Homme de Dieu et le corrompit, c’est pourquoi il naquit des fils qui se mirent en colère les uns contre les autres. Le grand archonte (Yaldabaôth/Yhwh) souilla l’Ève charnelle. Elle engendra deux fils : Caïn et Abel. Caïn cultiva la terre et Abel devint berger. Ève conçut d’abord Abel du Premier Archonte, et le reste de ses enfants, c’est par ses autorités et leurs anges qu’elle les engendra.
La descendance de l’Ève terrestre se multiplia et parvint à maturité, mais tous étaient dans l’ignorance, ils ne savaient plus quelle était leur origine.
Lorsque les archontes furent expulsés hors de leurs Cieux, En-Bas, sur la Terre, ils se créèrent des anges – qui sont de nombreux démons – afin que ceux-ci les servent. Ils enseignèrent aux hommes beaucoup de choses mensongères, de magies et de sortilèges, de cultes d’idoles et d’effusions de sang, d’autels et de temples, de sacrifices et de libations pour tous les démons de la Terre. Ils créèrent la Destinée et la Fatalité, auxquelles les Dieux, les Anges et les démons furent associés, pour justifier les conséquences destructrices de leurs agissements. C’est de ces mêmes Destinée et Fatalité que découlèrent les fautes, les injustices, les blasphèmes associés à l’oubli et à l’ignorance, ainsi que tous les préceptes accablants qui persécutèrent l’homme et le soumirent à de grandes frayeurs. C’est ainsi que toute la création fut rendue aveugle, de sorte que les Hommes ne puissent reconnaître le Dieu de Lumière qui leur est supérieur en tout.
Le monde se laissa innocemment détourner et fut pendant longtemps captif de l’erreur. Bien des Hommes de la Terre servirent des démons, sans le savoir, convaincus de servir leur Dieu de Lumière. Ils se laissèrent distraire dans l’ignorance et l’oubli et furent condamnés à errer jusqu’à l’avènement de l’Homme véritable.
Il advint alors une grande bataille des anges contre les anges-démons. Ceux de gauche contre ceux de droite. Ceux du Ciel contre ceux de la Terre. Les Esprits contre les charnels. Ceux d’En-Haut contre ceux d’En-Bas, Dieu face au Diable.
Pistis, la Puissance venue d’En-Haut, avait été retenue prisonnière par les archontes. Elle fut accablée par eux de toutes sortes d’outrages, jusqu’à être enfermée dans un corps humain et « transvasée » au cours des siècles, dans des corps de femmes, comme une vagabonde, une impie, une damnée. En voyant la splendeur de Pistis, les archontes en arrivèrent à se faire la guerre et à s’entretuer à cause du désir furieux qu’elle avait réveillé en eux. La retenant pour l’empêcher de remonter au Ciel et pensant qu’elle était leur Christ, les archontes commirent l’adultère avec elle, chacun s’accouplant à un corps d’apparence féminine ou femelle – les prêtresses et toutes les femmes se virent ainsi réduites à de simples objets sexuels qui n’avaient plus rien de sacré. La déesse et ses représentantes terrestres tombèrent sous le joug de ces arrogants qui les souillèrent en se les passant l’un l’autre.
Pistis se dit : « Les archontes pensent que je suis leur Christ. Pourtant, je suis leur Mère, à chacun d’entre eux. Je me trouve à l’intérieur de chacun d’entre eux. Je circule dans toutes les souverainetés, toutes les puissances, dans les anges et dans tous les mouvements qui se trouvent dans la matière. Je me suis cachée en eux, mais aucun d’entre eux ne me connaît, bien que ce soit moi qui agisse en eux. Ils s’imaginent qu’ils ont eux-mêmes créé le tout, les ignorants, ils ne connaissent pas leurs racines ni le lieu d’où ils ont germé. »
Le grand archonte envoya ses anges (démons) vers les filles des hommes afin qu’ils prennent pour eux certaines d’entre elles et les ensemencent pour leur propre satisfaction. Alors les anges prirent l’apparence humaine des conjoints de ces filles et remplirent les hommes de l’esprit des Ténèbres qui était en eux. Les hommes vieillirent sans connaître le repos. Ils moururent sans avoir atteint de vérité ni connu le dieu de Lumière, et c’est ainsi que la création dut survivre dans l’esclavage jusqu’à aujourd’hui.
Après qu’elle fut passée par toutes les passions et qu’elle en eut émergé à grand-peine, Pistis supplia la Lumière (le Christ) qui l’avait abandonnée :
« Ô, Lumière, mon temps disparaît comme le brouillard. Je suis devenue matière. Ma Lumière m’a été enlevée et ma force détruite. J’ai perdu la mémoire de mon Mystère, celui que je pratiquais autrefois. Ma force a succombé, je suis devenue comme un démon qui habite dans la matière, privée de Lumière. Mes ennemis ont remplacé la Lumière qui était en moi par le Chaos. Je suis descendue en Enfer comme la force du Chaos. Et ma force s’est glacée en moi. Maintenant, Lumière, lève-toi, le moment est venu pour moi de retrouver ma voie et mon âme, car mon temps est accompli. Tous les archontes de la matière craindront les Mystères de ta Lumière, alors que d’autres se revêtiront de la Pureté de ta Lumière.
Lumière, montre-moi tes voies et je serai sauvée en les empruntant, et montre-moi les emplacements où je dois me rendre pour être délivrée du Chaos. Indique-moi la voie de ta Lumière et fais-moi savoir, ô Lumière, que tu es mon Sauveur ! »
Le Christ qui était remonté au Plérôme ne souhaitait pas redescendre à nouveau. Il lui envoya donc un Défenseur, le Mashiah, c’est-à-dire Jésus, tandis que le Sans-Nom, le Père-Mère, donnait à celui-ci toute vertu et livrait toutes choses en son pouvoir.
En voyant Jésus-Christ – l’Oint – Pistis fut d’abord saisie de crainte ; elle se couvrit de son voile, par révérence, puis l’ayant regardé, elle le reconnut, car il était investi de la puissance du Christ. Il resplendissait d’une grande Lumière, dix mille fois plus grande que la puissance au visage de lion, Yhwh. Ainsi elle comprit qu’il venait vraiment de la hauteur des régions supérieures, alors Pistis eut confiance.
Lorsque Jésus-Christ, le Sauveur, s’approcha de Pistis, la puissance à face de lion fut emplie de colère et projeta hors d’elle une multitude d’émanations véhémentes qui pourchassèrent Pistis afin de la conduire à nouveau dans les régions inférieures du Chaos. L’une d’elles prit la forme d’un grand serpent, l’autre se changea en basilic à sept têtes et une autre encore se transforma en dragon. Les deux ennemis de Sofia, Adamas et Yaldabaôth/Yhwh, engagèrent une bataille de Titans pour la garder prisonnière. Alors Jésus-Christ envoya Gabriel et Michaël ainsi que des satellites de la Lumière pour porter Pistis sur leurs mains afin que ses pieds ne puissent plus toucher les Ténèbres extérieures. Une grande lumière entoura Pistis de tous côtés, à droite comme à gauche, et une couronne de Lumière se plaça sur sa tête. Les émanations ne purent soutenir l’éclat de la grande Lumière et ne purent s’approcher de Pistis. Il leur fut impossible de lui faire encore du mal et tous tombèrent dans le Chaos, sans force.
Jésus-Christ sauva alors Pistis et lui restitua son trône, image de la royauté de la Déesse-Mère.
Ô, toi qui écoutes ces paroles, Sofia t’invite. Le divin est en toi, ne lui cause ni chagrin, ni peine, mais accueille-le et choie-le pour rester serein et pour devenir pur en ton âme et en ton corps ; ainsi tu seras digne de Sofia et familier de Dieu. Par elle, il te donnera une grande Lumière. Les interventions de l’Adversaire ne manquent pas, ses sortilèges sont variés. L’homme sot, particulièrement, a été privé du discernement du Serpent. Il faut en effet que tu allies ces deux choses, le discernement du Serpent et l’innocence de la Colombe, de peur que l’Adversaire entre chez toi sous la forme du flatteur, comme s’il était un véritable ami, et te dise : « Je te donne bon conseil, mon ami, écoute-moi », et que toi, tu n’aies pas compris sa fourberie et l’écoutes comme un véritable ami.
Sofia guide l’âme jusqu’au lieu de Dieu...
[1] Texte librement inspiré du livre Le Chaos des Origines, d’Anton Parks, Éditions Pahana, 2016.
[2] Divinités immortelles.
[3] Entités archaïques qui combattaient la Lumière pour dominer et pour acquérir toujours plus de pouvoir.
[4] « Fils », car elle faisait partie des Dieux de Lumière qui avaient engendré l’Homme Originel, « frère », car ils étaient tous deux des Éons, divinités immortelles, et « fiancé », car elle appartenait à la lignée des Sofia, les épouses divines.